Voyage autour d Annonay du Dr FRANCUS

Extrait du passage sur Roiffieux


Le Dr Francus, alias Alain Mazon (1828-1908) journaliste, érudit local, a rédigé plusieurs ouvrages sur l'histoire de l'Ardèche.
Voyage autour d'Annonay, édité 1901 , est le récit d'un voyage effectué par l'auteur dans les communes situées aux alentours d'Annonay : Bourg Argental, Boulieu, Vocance, VAnosc, Quintenas, Satilieu, Arras, Ozon, Sarras, Andance, Serrières, Peaugres,... . L'écrivain décrit les paysages et la société de l'époque dans chaque commune traversée cen complétant son propos par des notes historiques et des annecdotes.
L'extrait qui suit porte sur Roiffieux, commune aujourd'hui incluse dans l'aglomération d'Annonay, dans laquelle ont vécu certains de mes ancêtres vignerons.

Il faut monter sur le plateau de Roiffieux pour atteindre directement d Annonay la vallee d Ay.

Partout dans les environs d´ Annonay, les propriétés sont closes de murs : ce qui indique la présence de vignes ou d´arbres fruitiers, qu´on tient à prééserver de l´atteinte des maraudeurs. A remarquer qu´en Angleterre, où le respect de la propriété est plus marqué qu´en France, il n y a que des haies.

Roiffieux, rufiacum (charte de 774), locus de ruffo (ordonnance royale de 1375). Ce mot viendrait , selon Chomel de acus Ruffi ce qui signifierait l´aiguille ou la tour de Rufus, ...
Selon d´'autres, il viendrait de ruffi ager, terre de Rufus, du nom de ses anciens possesseurs. Une troisième version assure que ce village, après avoir dépendu des bénédictins, aurait passé aux chanoines de Saint Ruf, qui lui auraient laissé leur nom.
Mais, comme nous l'avons dit en maintes circonstances, le terrain étymologique est for glissant: on en fait sortir tout qu'on veut, et il faut généralement n'accepter ses produits que sous bénéfice du d'inventaire.

La dernière version dans tous les cas, est inadmissible, car il est certain que Rufiacum existait bien avant la fondantion de l'ordre de Saint RUF ....

Le curé de Roiffieux en 1762 écrivait à Don Bourotte :
L'église est sous le vocable de Saint Martin de Tours - L'archeveque de Vienne nomme à la cure comme prieur de Quintenas - Il n'y a point de familles nobles qui demeurent dans l'étendue de la paroisse; mais il y a M de St ALBAN d'Ay, M de SERRES, M BOLLIOUD de TARTARA, M . FOURNAT d'Ay, M de LAMBERTY, M de MISSOLZ qui y ont des domaines. -
Il y a deux consuls qui président aux délibérations et assemblées de la communauté, recoivent les mandes et les communiquent immédiatement à la communauté, font executer les décisions prises. On leur adjoint
un greffier consulaire. Leur exercice est seulement d'un an. L'élection s'en fait en pleine assemblée et par délibération libre. On envoie dans la mande la somme pour laquelle la communauté est portée dans les impositions générales, suivant la répartition faite par les Etats du Vivarais. Cette somme est répartie proportionnemmement à la taille sur les contribuables. - A Roiffieux, il y a un vignoble appelé Bramefan, peu abondant, mais dont le vin est léger, de fort bonne ualité et approchant celle du Bourgogne.

Le curé ajoute qu'on recuille dans la paroisse, entre autres produits, des truffes ou pommes de terre.
On voit donc que les pommes de terre étaient connues dans la contrée bien avant Parmentier, puisqu'elles sont mentionnées à la meme époque dans de nombreuses localités du Vivarais et du Velay. Nous avons constaté d'autre part, par la mise en lumière des manuscrits du notaire TOURTON d'Annnonay (...), que la pomme de terre, nommée aussi truffe rouge, était marchandise courante sur le marché d'Annonay dans la seconde moitié du XVII ème siècle, c'est à dire un siècle avant la première publication de Parmentier - ce qui n'enlève d'ailleurs rien à la gloire de ce dernier qui eut au moins le mérite d'en faire généraliser la culture en France. (....)

La population de Roiffieux qui n'était que de 340 en 1801, s'était élevée à 714 en 1836 et depuis elle elle a dépassé 1100 (1117 en 1891)

Sous la Révolution on débaptisa Roiffieux pour l'appeler Librefieu (...)

On nous raconte à Roiffieux l'histoire d'un ancien clocheron qui aimait fort lever le coude. Son curé lui reprochant un jour son intempérance, il répondit : "que voulez vous ? Je suis un si petit terrain : il faut l'arroser." Ce brave homme se perdit un jour sous la voute de l'église. On fut obligé d'y monter pour le remettre dans le droit chemin. Comme en beaucoup d'endroits, il cumulait les fonctions de fossoyeur avec celle de clocheron. (...) Malgré ses relations suivies avec le cimetière, l'honnête fossoyeur n'était pas au dessus de toutes les appréhensions funèbres. Il avait enterré depuis peu un nommé Theli, il lui semblat que celui-ci lui faisait des reproches. On l'entendit qui disait : " Theli, je te pardonne ; laisse moi tranquille ! ".

Dans les environs d'Annonay, au moins du coté de Roiffieux, il existe un usage (....) Quand une personne du pays se marie, pour peu qu'elle soit aisée, les jeunes gens attendent les nouveaux époux sous un arc de triomphe dressé à la sortie de l'église. La on lit un compliment et l'on offre des rafraischissements à toute la noce. La mariée doit boire la première et briser ensuite le verre qui lui a servi. Tout les monde étant rafraichi, le cortège franchit l'arc de triomphe pour se rendre au logis de la mariée. On appelle cela dresser une barrière. Inutile d'ajouter que les les frais d'érection de la barrière sont amplement compensés par la famille qui en reçoit l'honneur. Il n'y a pas si longtemps, un bon propriétaire, qui mariait une de ses filles, a laissé 400 à 500 fr. qui ont servi à 2 banquets, l'un le jour même de la noce, et l'autre le 14 juillet. (...) Il y avait jadis une maladrerie dans la paroisse de Roiffieux (...) . Il est présumable qu'elle servit d'abord aux lépreux dont le nombre était assez grand au temps des croisades. Plus tard, les maladreries, nommées aussi maladières, recurent tous les malades en temps d'épidémie.
Ces batiments étaient toujours situés en dehors des villes ou des villages.